La dépression majeure pourrait provenir de bactéries, de virus ou de parasites

Pour bien soigner une dépression, faut-il encore en établir la cause. Et celle ci reste souvent mal diagnostiquée. « Le problème est que la cause demeure inconnue. C’est ce « chainon manquant » que nous recherchons toujours », nous confie Guillaume Fond, psychiatre et chercheur au Centre expert de schizophrénie de l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val de Marne). « Les scientifiques admettent en effet désormais qu’il n’y a pas une mais  » des  » dépressions, avec des causes distinctes, qu’on devrait traiter de manière différente », poursuit le psychiatre. Elle pourrait être le fait de facteurs génétiques, environnementales (affective, maladie, grossesse, mise à l’écart professionnelle), Mais aussi après des dernières recherches  :

Une inflammation cérébrale par des agents pathogènes extérieurs :

Turban Canli, professeur associé au département de psychologie de l’université Stony Brook (Etats-Unis), rend compte de cette théorie surprenante.  « Plusieurs études post mortem rapportent la présence de marqueurs de l’inflammation dans le cerveau des dépressifs majeurs, notamment dans la zone de régulation des émotions. Cette augmentation de molécules typiques de l’inflammation (cytokines) serait similaire à celle observée lors d’une infection par certains pathogènes, notamment Toxoplasma gondii, ce parasite agent de la toxoplasmose qui vit chez les félidés et infecte un tiers des humains. Une corrélation positive a pu être faite entre la prévalence de ce pathogène et les taux nationaux de suicide grâce à une étude menée dans vingt pays européens. Parmi les patients diagnostiqués en dépression majeure ou trouble bipolaire, ceux ayant un passé suicidaire présentaient un taux plus élevé d’antécédent de toxoplasmose ». Une piste très prometteuse selon Guillaume Fond.

Des bactéries intestinales et anomalies comportementales :

Les bactéries pourraient être autant responsables d’inflammation cérébrale entraînant une dépression majeure. Les études du lien entre le microbiote, les populations bactériennes qui résident dans notre intestin, et notre état mental commencent à livrer leurs résultats. Au point que des chercheurs posent désormais frontalement la question : et si ça venait du ventre ? « Les bactéries intestinales sont susceptibles d’envoyer des signaux au cerveau par différentes voies et ainsi de l’influencer. Si bien qu’on peut suspecter le microbienne d’être un facteur participant aux maladies psychiatriques », affirme Sylvie Rabot, chercheuse au laboratoire Micalis de l’Inra. Le microbiote – unique pour chacun d’entre nous – se compose en effet de 100 000 milliards de bactéries d’un millier d’espèces différentes. Or une étude japonaise a montré que, soumises à un stress, des souris sans microbiote (axéniques) sécrétaient trois fois plus d’hormones du stress (corticostéroïdes) que les souris normales. « Notre équipe a confirmé ses résultats par la suite en mettant en évidence que des rats axéniques étaient beaucoup plus anxieux que les rats normaux ». Preuve que le microbiote régulerait donc le fonctionnement de l’axe de réponse au stress.

L’équipe de l’Inra suit cette piste. « Nous entendons montrer que certains métabolites produits par les bactéries intestinales atteignent le cerveau, provoquant des anomalies comportementales, par exemple type anxieux ou dépressif ». Pour l’instant une seule étude, de l’université du Hedmark en Norvège, montre qu’il y aurait une corrélation entre microbiote et dépression chez l’humain. L’analyse d’échantillons fécaux de 55 personnes (37 dépressifs et 18 témoins) révèle en effet une différence de composition entre dépressifs et personnes saines. Pour aller plus loin, l’équipe de l’Inra, associée à celle du professeur Fossati, étudie plus précisément le rôle du microbiote intestinal dans la dépression. Avec en ligne de mire, de possibles traitements probiotiques (favorisant certaines bactéries) pour traiter les troubles psychiques.

Des antiviraux pour réduire les symptômes dépressifs :

Turhan Canli : »Le Borna virus (responsable de la maladie neurologique de Borna) a ainsi 3,25 fois plus de chance d’être retrouvé chez des patients déprimés que des sujets témoins. De même, une autre étude a montré qu’un traitement antiviral pouvait réduire des symptômes dépressifs. »

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